dimanche 10 octobre 2010

Chloé

C'était bien quand on était petites,
Quand j'avais deux dents et toi quatre,
Et que malgré les trous dans nos sourires,
Je ne t'ai plus vu sourire comme ça.

C'était le temps où on était assez petites
Pour se glisser sous la table en cachette
Et écouter ce que disaient les parents
En pensant qu'ils ne parlaient que de nous.

C'était quand je ne t'aimais pas ou plus
Tu me criais les pires mots que tu connaissais
Sans même savoir ce qu'ils voulaient dire,
Et moi je n'utilisais ma bouche que pour te mordre.

C'était le temps où un petit frère est arrivé,
Qu'on voulait chacune en être la grande sœur,
Puis qu'on s'alliait toutes les deux contre lui
Parce qu'il était le préféré de maman.

C'était quand tu étais la seule star pour moi,
Quand tu mettais des jupes et des collants de dame,
Tandis que je me noyais dans des pull trop larges,
Et que je n'aurais pas quitté mes baskets.

C'était quand tu invitais tes copines,
Et moi je vous observais jalouse,
Tu m'empêchais de jouer avec vous,
Alors je préparais ma vengeance.

C'était le temps des embuscades secrètes,
Des fantômes qui se cachaient sous nos lit,
Du chocolat qui disparaissait de la cuisine,
Du rouge à lèvre sur nos joues.

C'était quand tu avais appris à lire,
Je faisais semblant de savoir aussi,
Tu m'apprenais un peu de ce que tu savais,
Et je ne m'étais jamais sentie aussi fière.

C'était quand on fermait les yeux
Et que le monde changeait,
Qu'un bout de bois devenait baguette magique,
Et ton lit un bateau.

C'était quand on croyait au Père Noël,
Et que j'écrivais à la petite souris,
Quand je te racontais des histoires,
Parce que tu avais peur du noir la nuit.

C'était le temps où on se fichait de tout,
Et on ne le savait même pas.
Lorsqu'on pleurait pour n'importe quoi,
Et que tout nous faisait rire.

C'était le temps où on disait les mots
Rien que parce qu'ils étaient beaux.
On inventait ceux qui nous manquaient,
Et on parlait des langues imaginaires.

C'était le temps dont je ne me souviens plus,
Ce temps que je vois sur les photos,
Ces jeux dont je ne connais plus les règles,
Et les aventures dont personne ne se rappelle.

C'était mieux quand on était petites,
Tu me souriais plus souvent.
Je te détestais pour la vie,
Mais seulement une minute.
On était punies pour nos bêtises,
Mais on l'était ensemble.

samedi 9 octobre 2010

Sur le bout de nos lèvres

Vingt-six lettres. Vingt-six pièces de puzzle à assembler. Et tellement de possibilités. Avec vingt-six lettres, ils ont refait le Monde, ils en ont écrit l'Histoire et raconté notre imagination. Mais elles ne me suffisent pas. J'en attends sûrement trop, je les ai peut être surestimées. Vingt-six lettres ne seraient donc pas assez pour penser tout haut (traduire ma pensée)?
Je les écris une par une, puis les observe. Comme si elles allaient m'offrir les phrases que je cherche. Ou rien que le premier mot. Pour te dire, te dire quoi? Ces lettres me narguent, je les jette et les récite à voix haute. Elles sonnent creuses, et pas un son ne se crée. Je les oublie.
Pourtant, je les croyais parfaits, ces jolis mots que j'avais préparés. Ils auraient été formulés pour la première fois, et tu les aurais aimé. Parce qu'ils exprimaient ce que tu pensais aussi mais que tu n'osais pas dire.
Tous ces mots que j'ai appris perdent leurs sens. Aucun ne veut se charger du poids de mes pensées. Ils fuient loin de mon esprit, me laissent seule noyée dans mon silence. Qui n'exprime rien que mon ignorance.
Sur le bout de mes lèvres, les dernières lettres volent. Elles sont toutes parties. Je renonce, me mure dans le désert de ma tête. Et je les regarde m'abandonner, lâche, tous ces mots que nous ne prononçons pas, que je ne t'ai pas dit, et que tu ne me diras jamais.