vendredi 23 mai 2014

Un petit tour au commissariat

Bonjour tout le monde,

Il y a quelques semaines, mon ami Jonathan s'était fait voler son portefeuille. En chemin pour déjeuner chez lui, nous nous sommes donc arrêtés à la Comisaria de Lo Prado déposer plainte, afin qu'il puisse demander de nouveaux documents. À peine engagés dans l'allée devant l'édifice, nous passons le gendarme de garde, que nous saluons avec un grand sourire. Celui-ci, sur un ton extrêmement suspicieux et agressif, nous demande alors ce que nous venons faire. Tandis que Jonathan expliquait la situation, je pensais que son attitude risquait de décourager pas mal de plaignants... Pratique pour faire baisser les statistiques!

L'intérieur est surprenant: gris, sombre et aseptisé, on se croirait au poste frontalier secret d'un aéroport glauque. Rien ne rend l'environnement agréable, et les seules images sur le mur sont les photos officielles de Bachelet et du chef du commissariat. Nous nous asseyons pour attendre notre tour, sur des sièges froids tout près des bureaux ouverts où d'autres personnes s'expliquent avec les gendarmes. 

Comme d'habitude, l'extrême organisation n'est qu'apparente. Les gendarmes s'appellent les uns les autres pour se demander comment résoudre tel ou tel cas, où sont rangés les papiers, comment s'écrit cela, ou comment fonctionne les vétustes ordinateurs. 

Pour rajouter un peu au comique, tous les gendarmes, même assis tranquillement derrière leur bureau, sont vêtus d'un gilet pare-balles, et portent une arme à feu plus une matraque. Ils ont tous l'air ridiculement gros avec leur équipement tassé et qui remonte sur leur menton a cause de leur position assise. L'excès de couleur kaki et d'armes n'inspire aucune confiance. 

Bizarrement, et comme je l'avais déjà signalé une fois, les femmes gendarmes sont sur-maquillées. Telles des actrices de théâtre, leurs lèvres sont peintes de roses flashy et leurs pommettes couvertes de blush vif font échos aux yeux maquillés au style hôtesse de l'air. L'idée est de transmettre que l'on est gendarme et féminine, puisque la femme au Chili se doit de l'être constamment!

L'image de la gendarmerie est essentielle et produit d'un grand travail, puisqu'elle devait renouer avec la population après la fin de la dictature. Pourtant, c'est au final la continuation de la militarisation du Chili qui a lieu. Je parle de militarisation au sens propre, c'est-à-dire de l'éclaboussement de la société civile par des valeurs issues de la sphère militaire: organisation, uniforme, hymne... À la vue de dessins d'enfants dans un coin de la salle, Jonathan m'a informée de l'existence d'une Journée des gendarmes, durant laquelle sont menées des interventions dans les écoles. Les enfants y apprennent et chantent l'hymne des gendarmes. Celui-ci n'est pas le seul que les enfants doivent savoir et chanter, puisque tous les lundi ils chantent l'hymne national et celui de leur collège. À titre de comparaison, je pense avoir chanté La Marseillaise deux voire trois fois maximum dans ma vie. Et encore, je n'ai aucun souvenir de la troisième. 

Tandis que je faisais part à Jonathan de ce raisonnement sur la militarisation du Chili, et l'exagération de ce commissariat, un gendarme pilote de moto est entré dans la salle. Il s'est dirigé droit vers nous, et la seule chose que je voyais de son corps, couvert d'une veste en cuir protectrice en plus du gilet pare-balles et de la veste, étaient ses yeux à travers son casque blanc gigantesque. Je vous assure que nous avons tous deux retenus notre respiration, jusqu'à ce qu'il disparaisse dans la zone plus obscure et fermée du commissariat. La porte menait au seul bureau fermé et à une cellule. J'ai ensuite été prise d'un fou rire, tant la situation me semblait ridicule. 

Au final, nous n'avons même pas déposé sa plainte, car une gendarme nous a indiqué qu'il était plus rapide de faire une simple déclaration de perte au registro civil. 

Voilà pour une petite aventure de plus,

Des bisous

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