vendredi 20 septembre 2013

La philosophie de pépé

Bonsoir, bonjour, tout le monde!

Je sais, ce blog manque cruellement de nouvelles: j'essaye de lui donner un peu de profondeur! D'un point de vue plus pragmatique, je sors à peine d'une période de deux semaines chargées de travail, et de quatre jours de maladie. 

Les études d'abord, pas facile de s'adapter à des méthodes différentes, les contrôles ne demandent pas la même préparation qu'à Sciences Po. Plus de reformulation des lectures, guidées par des questions qui courent sur une demie-page, et peu d'espace laissé au blabla dont nous SciencesPotes avons l'art! Quelques questions intéressantes tout de même, dont une en Seguridad Humana y sus amenazas. La dernière question du contrôle nous demandait comment justifier une intervention en Syrie si nous étions Obama. Problèmes: je ne suis pas en faveur de ladite intervention. Et Obama non plus, au vu de l'actualité récente. Et pourtant, pour satisfaire le bel idéalisme de notre professeur, me voilà contrainte de chercher des arguments. Le droit international public et humanitaire ne me suffisant pas à remplir ma page, j'ai fini par me défouler sur les arguments plus terre à terre, du style les enjeux stratégiques de la région, les entreprises d'armement, l'image nationale du président, et la théorie du complot. Pas de panique, je n'ai évidemment pas répondu cela, mais j'avoue avoir été légèrement cynique par moment. 
Autre contrôle qui valait le détour, le QCM de Desplazamiento de población y refugiados (Questionnaire à Choix Multiples pour ceux qui n'auraient pas eu le bonheur d'en affronter un), ou ledit choix multiple était oui ou non. Il s'est avéré, à la fin du temps d'examen, sinon ce n'est pas drôle, que le professeur s'attendait à ce que nous ajoutions "oui mais non" et/ou "non mais oui" dans la marge comme réponse à certaines questions. Comme quoi, s'appliquer dans la lecture des consignes n'est pas toujours le meilleur conseil. 
En geodemografía, mon cerveau est arrivé à saturation à propos de la modestie, ou du manque de confiance, des chiliens. À la question, que je reformule sans fioritures, "Pourquoi le recensement de 2012 a été un échec total au Chili?", j'ai conclu que les remarques apportées par les spécialistes en la matière étaient assez sèches, et qu'il faudrait comparer la qualité de ce recensement avec le recensement du Pakistan avant de se plaindre sans cesse. De nouveau, j'exagère, mais le message est passé. Le professeur, à qui j'ai rendu ma copie, un peu confuse à cause de la fièvre, a survolé ce passage et apprécié. 

La fièvre me permet de faire une transition vers ces quatre derniers jours, au cours desquels j'ai pu conclure ma merveilleuse période d'études intenses en passant par la case "maladie". Le rhume, ou la grippe, traînait dans l'appartement depuis des semaines, j'étais l'avant-dernière à ne pas avoir été contaminée. Pas le choix semble-t-il, le couperet est tombé dimanche. Beaucoup de fièvre dans la nuit, journée d'examens le lundi assez compliquée, et impossible de me lever pour aller nager et en cours le mardi. Malheureusement, je devais également voyager pour la première fois mardi pendant la nuit. En effet, à partir du mercredi 18 septembre commencent les Fiestas Patrias, et donc un pont de cinq jours. Je devais partir avec Nadine (rappelez-vous, mon amie de Sciences Po à  Menton) et ses colocataires espagnols, dans le Norte chico, à La Serena. Au programme: pingouins, plage, vélo et vignes. Mais à 00:45, heure du départ dans la nuit de mardi à mercredi, j'étais allongée dans le canapé au lieu du fauteuil du bus. Jusqu'au dernier moment, mes affaires étaient prêtes dans le couloir (dont mon nouveau petit sac à dos de randonnée rouge acheté 20 euros dans un excellent quartier-shopping populaire - au sens premier du terme). Il a fallu me rendre à l'évidence, la fièvre et le voyage ne pouvaient pas faire un bon cocktail. Terriblement déçue, je suis donc restée, tandis que tous partaient en voyage ou faire la fête.

Tous, c'était sans compter sur Chino et Pato, mes deux colocataires qui sont restés avec moi. J'ai eu le droit au film, à la soupe de légumes maison, à la bouteille d'eau pétillante et à toutes les boîtes de nurofen et de paracetamol restantes dans l'appartement. J'en garde presque le souvenir d'une bonne soirée, c'est dire mon optimisme, et surtout leur patience; j'ai passé la soirée à dire que je déteste être malade. 
Le lendemain, les deux mêmes compañeros se sont mis en quêtes de plans B pour me motiver et me remettre sur pied. Pato, sa copine (qui est la soeur de Chino), la fille de la copine, la mère de Chino, Laetitia (mon amie française de Grenoble) et moi, sommes partis vers midi à une fonda au Parque Padre Hurtado, dans le quartier chic de La Reina
Qu'est-ce qu'une fonda? Cela dépend beaucoup de celle à laquelle vous allez. Globalement, c'est un événement qui naît d'un savant mélange entre une fête foraine, un festival, un bal populaire, un salon de la cuisine traditionnelle et un spectacle. Tout le Chili, le 18 septembre, se rend à une fonda. Les rues de Santiago sont désertes, jusqu'à parvenir à la file interminable qui mène à l'entrée de l'une de ces fondas.  
Celle de La Reina était assez étrange. Comme d'habitude, c'est à la tête du client que l'on comprend où l'on se trouve. La fonda visait un public familial et aisé. Des stands de recrutement de l'armée et de la police trônaient juste à côté des gigantesques fours à empanadas et des asados. Dans une carrière installée dans le parc a eu lieu un rodéo et une présentation de la cavalerie. En même temps, des dizaines de personnes s'initient ou simplement dansent la cueca, la danse traditionnelle chilienne, tandis que des centaines mangent et boivent, et que des enfants font des tours de poneys ou de l'escalade. Vous n'y comprenez rien? Moi non plus, et c'est ce qui est attirant. 


Vous croyez que Luisa voudra une robe comme ça...?




Le soir, après une sieste forcée par mes virus et bactéries, je me suis décidée à rejoindre des amis à une autre fonda, celle du Parque O'Higgins. Très réputée, elle court tout le long du parc sous forme de marché artisanal, puis devient une fête gigantesque. De nouveau, beaucoup de nourriture et de boissons. Entre les empanadas de queso, le pastel de choclo (gâteau de maïs), les brochettes et la viande, difficile de trouver quelque chose de léger quand vous êtes malade! Pour ceux qui auraient vraiment la volonté de ne pas ruiner leur santé, il y avait un excellent stand qui mélangeait les concepts bien entendus très liés de végétarien, mapuche, hippie et altermondialiste. Que boire pour accompagner tout cela? Un terremoto bien entendu! Ce cocktail, dont je pense vous avoir déjà parlé, se compose de glace à l'ananas, d'un sorte de vin qui est en fait un mélange de tous les fonds de cuves, et de grenadine ou Fernet. C'est délicieux et très dangereux! Il est possible de continuer avec un marepoto (idem mais avec de la papaye en plus), un tsunami (avec des fruits rouges), ou comme moi avec un sans-nom-pour-l'instant (avec de la mangue, et qui a été créé sur votre demande dans un bar près de chez vous - c'est une autre histoire). Notez l'humour chilien, ou bien révisez votre espagnol et votre géographie. 
Cette fonda se divise, à part les stands de jeux traditionnels et de nourriture, en soirées avec des musiques différentes, dont la partie rock chileno est finalement la plus attrayante. Je n'en ai pas profité longtemps, étant malade, je suis rentrée relativement tôt. 
Je retiens des fondas une analogie avec mon souvenir du nouvel an à Acapulco au Mexique. Tous les âges sont présents et se mélangent. Si les plus jeunes sont ceux qui restent le plus tard, dans la journée tout le monde partage un verre, un barbecue et une danse. C'est un concept et une ambiance que nous n'avons, je trouve, dans aucun événement en France/Belgique/Italie. Pensez que le groupe avec lequel j'ai passé l'après-midi se composait de personnes ayant entre 7 et 70 ans: à part Noël à la Villa, vous retrouvez-vous souvent dans ce genre de fête? 

Ainsi s'est déroulé mon 18 septembre à Santiago, et le 19 vaut la peine d'être raconté également. Comme je vous le disais, mes colocataires m'ont cherché des plans B. En quelques minutes, lorsque je me suis décidée à ne pas partir mardi soir, Chino a décidé de ne pas aller travailler le jeudi (c'était le seul à être exploité cette semaine), et a organisé un un asado (un barbecue, faut suivre!) chez son oncle et sa tante, dans la campagne des alentours de Santiago. L'idée a parfaitement fonctionné, et je me suis retrouvée ce matin, avec une bonne sinusite qui semblait devoir conclure ma grippe, en voiture avec le même groupe détonnant de la veille. Après environ quarante minutes de route, nous sommes arrivés à destination: une charmante maison de campagne, avec un immense jardin, où nous attendait déjà une famille bien nombreuse. La famille, les amis de la famille et les amis d'amis de la famille que la famille croît être la famille, dans le doute, se saluent avec entrain avant de se plonger dans les préparatifs culinaires. Les rôles se répartissent, et je me suis retrouvée à couper une tonne de céleri, à découper des oignons en cubes microscopiques pour la salade chilienne, à presser des citrons du jardin tout en sirotant une corona et en écoutant les conseils des petites (très petites) mémés. Tout le monde met la main à la pâte, et il n'y a pas du tout de distinction entre hôtes et invités. Très rapidement, les empanadas sortent du four, pour grignoter en attendant le repas, qui sera bien entendu extrêmement tardif. Les adorables petites mémés négocient avec leurs petits-enfants déjà bien adultes un petit verre de vin par-ci, et petit verre de terremoto par là. Elles finissent par s'écrouler en riant dans un fauteuil pour une sieste anticipée. Pendant ce temps-là, Pato installe une slack-line, une sorte de corde sur laquelle il faut marcher comme un équilibriste, entre deux arbres: chacun essaye et tombe en poussant des cris stridents. Lorsque le repas commence enfin, la faim se fait ressentir, et c'est avec joie que l'on engloutit des costillas en ricanant dans le dos des végétariens, qui sont d'ailleurs assez nombreux. 
Fou rire exceptionnel lorsque la famille réclame un "discours" de Chino, qui remercie tout le monde et me représente encore une fois, à l'attention des retardataires. Toute la famille a cru que nous étions ensemble. J'ai donc eu le droit à la bienvenue dans la famille de la part de la grand-mère et de l'oncle, il a fallu que nous prenions une photo ensemble pour faire plaisir à la tante, et les cousins ont distribué leur lot de clins d'oeils pour l'année. Mal à l'aise au départ, j'ai finalement bien rigolé, et personne n'a insisté. 
Après le repas, le maître de maison a annoncé le début inattendu (pour moi) des jeux. Répartis en deux équipes, tout le monde a été convié à participer à une compétition traditionnelle. L'équipe A, la mienne, a choisi comme signe distinctif de se mettre des mini drapeaux chiliens en brassard, tandis que chaque joueur de l'équipe B s'accrochait un ballon de baudruche. Premier défi, nous nous affrontions en duel à un jeu duquel j'ai oublié le nom de nouveau: il s'agit de lancer un poids dans un carré de sable sur lequel est tendu une corde. Celui qui lance le plus près de la corde gagne le point. Presque une pétanque! Je suis mauvaise à la pétanque, mais à ce jeu-là, je ne me suis pas trop mal débrouillée. Le deuxième jeu, bien plus courant, était un duel de babyfoot. De nouveau, nous nous sommes tous affrontés et j'ai mis un but. Le troisième jeu, qui a sans doute été le plus drôle, a été la course en sac. Croche-pied, ou croche-sac, sauts de kangourou, nous avons tout vu, et tout filmé! Dernier jeu, le tir à la corde en équipe. C'est mon équipe qui a remporté chaque épreuve, et donc la compétition, mais, pour une fois, la participation, et les fous rires l'accompagnant, m'a beaucoup plus plu que la victoire! 
Je me demande comment, en lisant ce texte, vous vous imaginez ce moment. Ce n'était ni beauf comme pourrait le pense Chloé, ni ridicule. L'ambiance était très différente de ce que j'ai pu connaître ailleurs. J'ai pensé à papa, qui me disait il y a deux jours que le but d'une expérience comme ce voyage au Chili, c'était de s'habituer à se sentir bien avec des gens de n'importe quelle région du monde. Aujourd'hui, j'étais à l'aise, charmée, morte de rire, dans cette famille qui venait de me connaître, à faire des jeux que j'aurais trouvé ridicule, et que j'ai imposé comme bizutage des 1A l'an passé, en France. 
Après les jeux, il faut récupérer de l'énergie, et les pasteles gargantuesques arrivent sur la table. Ce sont des limon pie (tarte au citron meringuée plus meringuée que au citron), ou des gâteaux alternant les couches de chocolat avec celles de manjar. Heureusement que le café et le thé aident à avaler tout cela, car même ma gourmandise a eu du mal.
J'ai ensuite passé un bon moment à jouer avec Martina, la fille-de-la-soeur-de-Chino-mon-colocataire. Je crois que la stagiaire BAFA qui est en moi avait besoin de s'exprimer de nouveau. Je ne pensais pas jouer à chat, 1 2 3 Soleil ou cache-cache de si tôt! J'ai beaucoup pensé à Luisa, avec qui j'aimerais bien jouer un peu aussi là tout de suite. 
Après avoir discuté dans le jardin à la lueur des bougies après la tombée de la nuit, le froid nous a ramenés vers Santiago. Nous sommes rentrés à temps pour accueillir mon nouveau colocataire Louis, qui remplace Astrid (ma première amie ici...repartie!), que nous connaissons déjà très bien (rappelez-vous, nous avons été au ski ensemble). 

Je ne vous laisse jamais sans explication du titre de l'article, même si je suis certaine que beaucoup d'entre vous auront compris d'où il vient. Pépé (Joseph) a cette philosophie de dire que si les choses ne se passent pas comme prévu, il en sortira de toute façon quelque chose d'autre, quelque chose d'aussi bien voire de mieux. Il me l'avait dit pour mes choix après le BAC, pour ceux de 3A, et j'y ai beaucoup pensé cette semaine. J'ai perdu un voyage qui m'aurait menée à la plage, dans des vallées splendides et avec des personnes certainement géniales. Mais ces deux derniers jours ont été une expérience incroyable, une vraie porte sur ce qu'est le Chili. Pour la philosophie de pépé: merci!

Je vous embrasse, et vous laisse quelques images qui vous feront rire...


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