vendredi 11 avril 2014

La boulangerie mutante

Bonsoir tout le monde,

Mardi après-midi, j'ai retrouvé mon ancien colocataire Hugo, pour un café là où ce cher monsieur a ses habitudes, le café Mosqueto. Je reste fidèle au capuccino, sans oublier d'insister sur la mousse de lait, sous peine de vous retrouver avec de la chantilly. On discute des progrès fulgurants de sa carrière de DJ provisoire en attendant la "security clearance" pour son stage a l'ambassade britannique. Il est maintenant DJ résident du club Naveluna, auquel j'allais beaucoup le semestre passé. Les soirées du jeudi comportent maintenant musique et visuels (comprenez projections ou autre jeux de lumières), et l'évènement se nomme "Dive In". À Noter, je suis la splendide auteure de ce nom. (Naveluna = bateau lune, qui plus est au sous-sous, qui plus est la soirée a comme concept l'immersion dans l'art, qui plus est mon copain travaille dans la communication: vous avez compris le génie?).

Nous retrouvons ensuite Laetitia, qui a récemment emménagé avec son copain du Salvador, rencontré durant son stage à l'ONG Techo. Laeti voulait nous faire découvrir une nouvelle boulangerie française. Nous y avons dégusté des pains au chocolat et acheté des baguettes, qui manquaient un peu de croustillant mais était tout de même délicieuses. La vendeuse, qui nous a dit être au Chili depuis trois ans, parlait encore avec un accent terrible, et cherchait ses mots en espagnol. Arrivée pour des vacances, elle n'est jamais repartie. Ses pâtisseries sont livrées depuis une boulangerie de la fameuse rue des quatorze pâtisseries françaises à Vitacura, quartier chic de Santiago. La boutique sert également de galerie d'art, qui devrait exposer des photos et peintures, mais débutait avec d'étranges peintures sur carton bariolées. La vendeuse nous a invité, Laeti et moi, à ses soirées féministes intimes, dont la prochaine séance sera dédiée à un cours d'auto-défense. Je ne suis pas certaine du rapport avec le féminisme, mais il paraît qu'il y aura aussi des sessions de débats, cela pourrait être intéressant. Hugo a réussi à placer sa carte de visite de DJ pour animer les soirées privées qui seront également organisées, Laeti a vendre mes cupcakes pour la soirée féministes, et nous sommes repartis tout contents de notre découverte. Il faut dire qu'une boulangerie-boîte-galerie-local féministe, ça ne court pas les rues. 



Nous avons ensuite filer vers le Bellas Artes, pour visiter l'exposition de photographies de Sergio Larrain. Pour ceux qui ne connaissent pas son travail, je vous conseille de chercher sur Google. Sa série de photos d'enfants abandonnés vivant seuls dans les rues de Santiago et plus particulièrement les rives du Mapocho sont excellentes. J'ai beaucoup aimé car ses photographies sont de simples instants, capturés avec des perspectives et angles qui permettent au spectateur de s'inventer toute une histoire. Il y avait également des photos d'Italie, d'un bar excentrique à Valparaíso, de Paris et de Londres.



À part ça, nous avons fait pas mal de soirées à la maison: pour l'anniversaire de la nouvelle colocataire italienne Sara (la soeur de Giulia), pour les un ans de Giulia au Chili, et notamment sans raisons. Ce sont des bons moments, durant lesquels je baigne dans un monde dans lequel mes études détonnent un peu. Stylistes, photographes, cinéastes, publicistes, le bouillonnement est intéressant. Nous avons aussi une assistante sociale qui travaille avec des enfants handicapés, des actrices, un créateur de bijoux... LA grande majorité des hommes sont homosexuels, ce qui ravit Pato, car il trouve qu'ils sont bien plus intéressants et naturels. Je le suspecte aussi d'être moins jaloux, ha ce latino tout de même...

Les italiennes! 
La famille! 
Cinthya! 
Laeti!
On ne fait pas que manger, on danse aussi! 

Je passe beaucoup de temps avec un ami chilien, Jonathan, que j'ai rencontré il y a deux semaines dans mon cours d'études de la pauvreté. Nous nous sommes rapproché car nous étions assis à côté et nous sommes rendus compte que nous étions tous deux d'accord sur la nullité de la prof et de ses propos. Maintenant, il m'emmène me promener dans tous les endroits de Santiago que je ne connais pas encore. Passionné et étudiant d'urbanisme (comme spécialité de géographie ici), il me raconte l'histoire des rues, des immeubles et des universités. J'en apprends chaque fois plus sur le Chili, ses systèmes de bourse, le quotidien... Il donne également des cours d'introduction aux inégalités dans deux collèges des quartiers riches, dans lesquels je vais intervenir la semaine prochaine. Au gré de nos promenades, nous sommes tombés par hasard sur une merveilleuse librairie de livres rares et anciens. Le vendeur s'est trouvé être un ancien professeur de Jonathan, un homme qui s'est avéré être exceptionnel. Professeur d'histoire ayant étudié le droit, reconverti en libraire, il nous parlé de la vie et de son nouveau métier. Sa mémoire incroyable lui a permis de retrouver un livre de 1938 que cherchait une lectrice qui ne se souvenait que d'une citation. Il faut dire que sa mémoire est telle qu'il peut citer chaque gagnant de chaque catégorie des Oscars, année après année. À une dame qui venait acheter un livre pour se mettre enfin à la lecture et était venue lui demander conseil, il a dit qu'elle devait s'acheter d'abord une petite étagère, et l'installer dans un bel endroit chez elle. Elle est revenue avec la photo de l'étagère vide installée dans son salon, et il lui a offert le premier livre, sans toutefois nous dire lequel. Il nous a ensuite montré les livres les plus rares qu'il avait. Beaucoup étaient dédicacés par Pablo Neruda et sa fameuse encre verte. Un pour Gabriela Mistral (de Nobel à Nobel, imaginez!), ou bien la première édition du Canto General, édité clandestinement, et dédicacé à... Salvador Allende! "En l'honneur de cette édition héroïque". Moi, je sentais l'histoire entre mes mains, et me suis sentie très émue par une photo en noir et blanc de Neruda sous la pluie à Paris, de dos, sous le parapluie d'une de ses femmes... 

Un immeuble étrange caché à l'intérieur d'une galerie et ses ascenseurs futuristiques! Visité avec Jonathan.


Je vous embrasse fort,
Anaïs

PS: j'ai relu presque tous les articles depuis le début du Chili... j'ai beaucoup rit, et été très émue. Le temps passe vite et en même temps que de souvenirs que j'avais déjà oubliés! Je sens dans mes écrits comme tout au début était inconnu, bizarrement vide de sens. Les articles plus récents sont, malgré les moments difficiles, plus colorés, plus vivants. 

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