lundi 14 avril 2014

La cueca

J'avais pensé un petit article sur la cueca, la danse nationale, depuis longtemps, et pensait l'avoir fait, mais je crois que je l'ai beaucoup imaginé et pas vraiment écrit. 

Il y a bien un mois ou deux, après avoir participé à un dîner d'anniversaire de mon ex colocataire Hortense, nous étions entrés dans un bar un peu caché du Barrio Brasil. À peine poussée la porte, le "clapclap clapclap clapclap" de la cueca se fait entendre; effectivement le jeudi soir, c'est soirée cueca dans ce bar. 

Nous dénotons un peu du reste du public, très chilien, surtout à cause de la petite tête blonde d'Hortense. Nous buvons nos bières tout en admirant les danseurs. Je n'avais vu de la cueca qu'aux Fiestas Patrias, en septembre, et cela ne ressemblait pas vraiment à ce que j'avais sous les yeux. Si la danse m'avait parue très folkloriques au sens de figée, jouée, mimée plus que vécue, elle prenait tout à coup tout son sens.

Le rythme de la cueca est très simple et particulier, "paPA paPA paPA paPA". Le public marque le temps en tapant dans les mains. Les danseurs, femmes et hommes, tiennent dans leur main un mouchoir, qui peuvent être simples ou très beaux, voire anciens. Les couples ne se touchent pratiquement pas, mais ils s'effleurent constamment. Tandis que les pieds frappent le sol, les femmes ondulent autour des hommes, et tout se joue dans le regard ardent de chaque danseur.

J'étais très surprise, car pour les dernières mesures de chaque chanson, les danseurs se mettent tous à marquer les temps en tapant le sol très fort avec leurs pieds; mais comment savaient-ils à chaque fois quand venait la fin de la chanson? C'est que tout est extrêmement calculé: un certain nombre de mouvements, un certaine nombre d'échange de place, il n'y a pas de surprise. Il faut donc écouter le chant! Car c'est lui qui dirige toute la danse et donne les repères nécessaires!



Allez, un petit cours?

Les styles sont toutefois très différents. Les plus jeunes ajoutent plus de gestuelle personnelle, se lancent dans du freestyle tout en respectant les codes de base. Certains bougent plus ou moins le haut du corps. 

Les musiciens, qui jouaient en live, étaient aussi intéressants à regarder. La voix caverneuse et puissante des chanteurs, les doigts qui courent sur le piano, le regard grave. Je me suis laissée transporter par ce rythme pourtant si répétitif, même si je n'ai pas osé danser, refusant dix fois l'invitation d'un pauvre garçon. 

J'ai beaucoup pensé à ce moment car il m'a révélé le lien entre une danse nationale et sa nation. On retrouve le Chili dans la cueca. Ce côté moins extraverti peut-être, ou extravagant, que l'on pourrait trouver chez les brésiliens qui exagèrent tellement le contact physique à tout moment du quotidien. Mais finalement cette idée moins superficielle, plus profonde de la sensualité du regard. L'idée d'une femme forte, qui frôle et virevolte mais n'accorde rien. Ce n'est pas évident à expliquer, mais je dirais à quiconque ose encore me dire que les chiliens sont les "froids" d'Amérique du Sud que s'ils ne le comprennent pas, c'est qu'ils n'ont rien compris. 


https://www.youtube.com/watch?v=GObepKzsXxc

Ouvrez ce lien, pour voir la "Cueca Sola", qui se développa durant la dictature comme forme de dénonciation des disparitions. Cette représentation se fit dans le Stade National (construit sous Pinochet) après l'élection de Alwyn. 



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