samedi 8 mai 2010

Une octave plus bas

J’ai laissé mes sacs dans le couloir, ma basse avec. Puis j’ai surmonté les rangées de valises pour m’affaler sur mon siège. Voilà que le train s’ébranle, avec un bruit sifflant puis fracassant et régulier. Tacatac tacatac tacatac. Un rythme, une musique dont je me souviendrai toujours. Je quittai Londres.

Je quittais ce monde que j’avais mis deux ans à m’approprier. J’y étais arrivé sans attentes, avec ma basse en main et ma musique en tête. Tout était allé si vite. Un appel, un concours, d’autres coups de fil. Je n’avais pas vraiment eu à prendre la décision de débarquer là, elle s’était imposé à moi comme une opportunité de faire un pas vers mes rêves.
Le concours de l’école londonienne m’avait paru irréel. Une audition de quelques minutes. Je me rappelle encore de ce que j’avais joué. Un morceau de jazz, très court. De cette légère angoisse qui faisait trembler les notes. Et puis c’était fait. J’étais pris.
Je me suis installé à Londres quelques semaines après. Laissant derrière moi mes amis de toujours, mes doutes et mes amours inachevés. Je crois que rien ne me retenait vraiment. Si peu à perdre et tant à gagner.

Pour mon départ de l’autre côte de la Manche, pas d’au revoir désespérés, mouchoirs blancs et torrents de larmes. Plutôt quelques nuits blanches passées à arpenter les rues et les bars de Bruxelles.
Mais la quitter, elle. Cette petite fille avec qui j’avais grandi, et que j’avais vu devenir femme. À force, je connaissais par cœur chaque ligne de son visage. Ses goûts, ses peurs et ses rêves…Rien ne m’était inconnu. Je l’ai attendue six ans. Sans espoir. Six ans à peser chaque mot, chaque regard. Je pensais qu’elle ne me voyait même pas, et je n’ai su que bien plus tard qu’elle regrettait de m’avoir rejeté. Qu’elle avait eu peur de perdre l’amitié que nous avions doucement construite. Elle a marqué mes années, en bien comme en mal. C’est dans l’amitié dont elle me demandait de me contenter que j’ai appris à l’aimer encore davantage. Bien sûr, ce n’était qu’une petite contrepartie à toute cette frustration. Et à la douleur que j’ai ressenti lorsqu’elle est tombée dans les bras d’un de mes meilleurs amis. Il n’a jamais su le mal qu’il m’avait fait alors. Et je ne lui en veux pas.
Je ne parlais de tout cela à personne. Peut-être juste un ou deux amis. Cet amour pesait sur ma seule conscience, et cela me donnait l’impression de la posséder un peu.

Je vivais seul depuis mes dix-sept ans. Le lycée n’était pour moi qu’une façon de voir mes amis. Je passais le plus clair de mon temps à jouer de la basse, à laquelle je m’initiais après avoir joué de la guitare une dizaine d’années.
Mon frère, plus âgé que moi, avait suivi le même parcours musical. Il y avait entre nous une certaine rivalité, mais qui ne m’intéressait pas vraiment. Je jouais pour moi, pour mon plaisir. Je ne tiendrais pas de discours niais sur le fait que la musique me permettait de m’évader ou de me faire évoluer, mais, au fond cela est vrai. Mes mains parcouraient les cordes et les faisaient vibrer en un son harmonieux ou presque discordant, selon mes envies. J’écrivais et dessinais également, mais les émotions m’y semblaient trop crues, données au monde sans aucune interprétation. Sans liberté pour l’autre de s’y perdre et d’y retrouver ses propres sentiments.
Je ne partageais pas ma musique. Elle m’était trop intime. Je n’aurais voulu l’offrir qu’à une seule personne, mais je n’en ai jamais eu l’occasion.

J’ai passé mon bac sans m’en rendre compte vraiment, sans grande réussite, avec les notes les plus basses. Mais chacun son intérêt, et là n’était pas le mien. Je me souviens, juste avant le début des épreuves, le proviseur du lycée était venu nous encourager et nous parler de nos choix d’orientation. Je serais musicien.

Ce diplôme ne m’apporta pas vraiment de fierté, mais surtout de la liberté. Celle qu’il me fallait. J’avais choisi d’étudier au conservatoire de jazz d’Anvers. Sans aucune raison valable, je ne voulais pas habiter sur place. Je pense avec le recul que j’étais un peu trop jeune pour m’installer dans une ville inconnue, je le savais sûrement à ce moment-là , mais ne voulais pas me l’avouer. Les trajets matin et soir en train pour traverser le pays ne me gênaient pas. Je me sentais un peu bohème, dans ces trains filant dans l’aube ou le crépuscule, ma basse près de moi. Quand je repense à ces années, j’ai l’impression de les avoir passé sur un quai de gare. À attendre un train. Ou le suivant. Parce qu’il y en a toujours un après.
Moi, je prenais toujours le premier, personne ne me retenait à Anvers, je ne m’y étais pas vraiment fait d’amis.

À dire vrai, j’ai toujours été de ceux qui privilégient les relations intimes. J’aime connaître parfaitement ceux qui m’entourent, et me séparer rapidement de ceux qui ne veulent pas s’impliquer dans l’amitié. Voilà pourquoi je ne m’étais pas réellement rapproché de qui que ce soit là-bas. Je venais pour les cours et rien d’autre.

Ma première année fut une grande réussite. Je passai les examens de fin d’année avec une certaine facilité. Mais je m’installais dans une routine presque énervante, contraire à ce que je recherchais dans la musique. Ma vie avait pris un rythme lent, coulant… un rythme de jazz.
Je crois bien que c’est à cause de cela que ma deuxième année fut une catastrophe. D’un coup les trajets me paraissaient exaspérants. Je n’y voyais qu’une perte de temps. Après la magie et les étoiles de la première année, le conservatoire ne m’intéressait plus. Quelles portes m’ouvrait-il ? Le jazz des années soixante était bel et bien mort, enterré sous la masse des nouveaux styles. Il était évident que je me montais la tête, mais les cours ne m’intéressaient plus. Dois-je avouer que je me sentais au-dessus de tout cela ? J’étais jeune alors, je voulais le monde à mes pieds, ou plutôt les oreilles du monde tournées vers ma basse.
Je finis par ne plus aller aux cours. Me lever le matin était devenu un effort, comme lorsque j’étais au lycée. Parfois je passais ma journée dans un bar d’Anvers, parfois je traînais chez moi, à faire mollement glisser mes mains sur ma basse. Ce fut donc sans surprise que je reçus la lettre du conservatoire. Je ne l’ai même pas ouverte, son contenu était évident.

Comme si j’avais attendu l’arrivée de cette lettre en léthargie, je commençais à partir de sa réception à rejouer sérieusement. Je m’aventurais dans tous les genres de musiques, explorant à tâtons leurs vastes possibilités.
Je me rappelle du moment où le téléphone a sonné. Je me suis même demandé un instant ce qui pouvait bien faire ce bruit strident. Je débranchai ma basse et me levai, à la recherche de l’objet au son insupportable. Je finis par le trouver sous une pile de linge, sale évidemment.
Pas de bonjour, comment ça va ? Juste la voix rauque de mon frère et cette proposition inattendue : « Cet été, ils font passer les auditions d’entrée pour la London School of Music. Maman m’a dit que tu te mourrais à petit feu dans ta grotte, bouge-toi et essaye».
J’eus un déclic, voyant dans cette école un moyen de me lancer à la conquête des sons. De jour comme de nuit, je travaillais. Je m’acharnais sur des morceaux complexes durant des heures, sans relâche. Au cours des quelques pauses que je m’accordais, j’écoutais de nouveaux groupes, afin de trouver le morceau qui m’ouvrirait les portes de l’école. Je me rendis compte assez rapidement que le jazz restait pour l’instant ma spécialité, mon point fort si je voulais mettre toutes les chances de mon côté. Les heures d’écoute, avec mon casque sur les oreilles m’imposèrent le choix du morceau que je présenterais. “My funny Valentine”. Un morceau plein de variations, de sauts d’humeurs. Une mélodie coquine, presque perverse qui m’envoûtait.
Je ne saurais dire combien de temps j’ai passé à travailler certains passages, les modifiant à ma façon, pour parvenir à pénétrer dans l’univers de la chanson. Encore aujourd’hui, mes doigts connaissent par cœur chacun des mouvements qu’ils effectuaient. Les notes sont ancrées dans ma tête, et en fermant les yeux, je me souviens de tout.

Dans le train pour Londres, en passant sous la Manche, mon cœur battait à tout rompre. Je ne quittais pas l’étui de ma basse des yeux. L’angoisse me prit très tôt, et je tremblais en foulant le quai de la gare. Il pleuvait ce jour-là, le froid des gouttes qui coulaient dans mes cheveux longs me tétanisait. Complètement perdu dans cette nouvelle ville, je marchais au hasard des rues, demandant mon chemin aux quelques passants bravant le climat.
Je parvins au pied d’une grande bâtisse plutôt ancienne, au fond d’une impasse. Deux annexes plus modernes y étaient rattachées, refermant ainsi les bâtiments autour d’une cour. Sur la porte principale était collée une affiche pour les auditions. Je me présentai à l’accueil. Pendant qu’une dame vérifiait mon dossier d’inscription, je scrutai le hall d’entrée. Un plafond très haut, de grandes fenêtres couvrant toute cette hauteur. La pluie en martelait les carreaux, troublant la vue vers l’extérieur. Bien que l’architecture soit assez classique, la décoration était, elle, moderne. Une sculpture abstraite trônait au centre de la pièce. Le comptoir derrière lequel se tenait la dame était en verre semi transparent et les quelques autres meubles qui se trouvaient là également.
Je n’eus pas plus le temps d’observer l’endroit, puisque la dame me rendit mon dossier, plus d’autres documents. De petites affiches indiquaient le chemin pour se rendre aux salles d’audition. Perdu dans ce labyrinthe d’escaliers et de couloirs, je guettais avec anxiété les panneaux. Je finis par déboucher dans une petite salle, où des sièges avaient été placés le long des murs. Trois personnes attendaient, apparemment aussi angoissées que moi. Je marmonnai un inaudible « bonjour » qui ne reçut aucune réponse. Je m’assis sur une chaise, bien droit pour une fois, tant j’étais angoissé. Je sentais mon corps paniquer. Ma respiration s’accélérait, mes muscles contractés ne bougeaient plus, sauf mes mains qui tremblaient bien trop fort. Pourtant je savais tout. Je devais avoir confiance en mon travail.
La tension atteignit son comble lorsqu’un homme entrouvrit avec un grincement gênant l'une des portes s’ouvrant sur la pièce pour appeler mon nom. Je me levai d’un coup, failli retomber par terre. L’homme m’adressa un sourire sympathique et me fit signe de le suivre. Les trois autres qui attendaient me lancèrent un léger sourire d’encouragement. Je m’agrippai à ma basse tandis que je traversais la pièce, comme si elle pouvait me rattraper si je tombais. L’homme me précéda dans la pièce. C’était une toute petite salle, aux murs ocre. La lumière était tamisée par les volets clos et l'air sentait légèrement le renfermé. L’homme s’assit à une large et longue table au fond, derrière laquelle se tenaient déjà deux autres personnes ; une femme plutôt âgée ainsi qu’un moustachu à l’air peu agréable. Il me désigna ma place, au centre de la pièce, où des enceintes étaient posées à même le sol, et où une chaise n’attendait que moi.
Je m’installais, branchai ma basse. Je n’entendis pas ce que me disaient les examinateurs. L’un me fit signe de commencer. Les notes se mélangeaient dans ma tête, tout tremblait. Le sol n’était plus droit et je voyais trouble.
Mais mes doigts trouvèrent d’eux-mêmes les cordes, et commencèrent le morceau. Seuls d’abord, puis le reste de mon corps s’éveilla à l’écoute de ces premiers sons hésitants. Suivit mon âme, qui traversa mes veines pour se joindre à la musique et donner vie aux notes. Mes yeux fixaient mes mains qui prenaient le contrôle de la basse. Mes oreilles reconnaissaient chaque son. Puis tout s’arrêta. J’avais fini.
Je levai lentement mon regard vers les examinateurs. Ils m’y répondirent par un simple « merci », sans émotion. Pourtant je sentais que j’avais réussi.
Le retour vers Bruxelles se passa comme dans un rêve. Je ne sais ce que j’ai répondu aux questions de mes proches. Oui, oui, oui, oui… L’émotion de ce moment me transporta encore quelques jours, laissant place à l’interminable attente des résultats. Un mois après les auditions, en août, je sus que j’étais pris.

Mon départ pour Londres fut imminent. Pas le temps d'y réfléchir à deux fois. Partir seul ne m'inspirait, cette fois-ci, aucune crainte. Avec ma mère, je cherchai un appartement. L'école m'avait mis en contact avec plusieurs élèves qui venaient également de l'étranger. Le contact passant bien, nous décidâmes de louer un appartement à plusieurs. Je ne connaissais pas mes futurs colocataires, mais l'idée me paraissait bonne.
Les premières semaines passèrent en un coup de vent. J'allais de découverte en découverte, tant musicalement qu'en tous les autres domaines. Les cours nous étaient donnés par des professionnels réputés, qui avaient une longue carrière derrière eux. Nous n'étions que quatre dans la section basse, mais les cours allaient vite et nos professeurs maintenaient le niveau haut. L'exigence de l'école me motivait à travailler pour garder le rythme des quelques génies qui m'entouraient. Nous travaillions comme des professionnels, puisque nos examens étaient en réalité des concerts. Rapidement, j'établis de nombreux contacts dans le monde de la musique. J'étais émerveillé de tout ce qu'il m'arrivait dans un laps de temps si court.
Je commençai à recevoir des propositions d'enregistrer pour des groupes. À Londres mais également un peu partout en Angleterre. Et plus j'y répondais, plus on m'en proposait. A côté de ça, je lançai un groupe avec d'autres élèves de l'école. Les professeurs nous encourageaient beaucoup, puisque selon eux cela nous permettait de nous créer un style. Mais aussi de continuer à étendre notre toile.
Car le monde de la musique est un monde de contacts. Il ne suffit pas d'être le meilleur musicien, il faut connaître les bonnes personnes. Se trouver aux bons endroits. Croiser les doigts pour avoir un peu de chance. Et toujours être à son maximum. Ce milieu cruel et sans pitié en avait déjà achevé plus d'un. Moi, je planais, bien au-dessus de toutes ces préoccupations.
La musique devenait ma raison de vivre. Peu à peu je me rendis compte que je pouvais vivre de ce que je faisais, ma bourse prenant en charge les cours. Ce sentiment d'indépendance ne me quittait plus. Plus rien n'avait vraiment d'importance, je vivais dans ma bulle dorée.

Il n'y avait pas que la musique. Les concerts me valaient beaucoup de nouvelles connaissances. J'oubliai mes amours passés dans les bras de parfaites inconnues, que je ne voyais que le temps d'une courte nuit.
Les soirées avec les autres élèves s'enchaînaient. Il y avait toujours une bonne raison de faire la fête; un anniversaire, un concert, un examen... L'alcool coulait, devenait mon propre sang. Il m'arrivait de me réveiller certains matins sans me souvenir des deux jours précédents.
À côté de toutes ces nuits passées dans des bars du tout Londres, je continuais à travailler à la basse. Les cours s'accéléraient. Mais mon travail en parallèle aussi. Les propositions me venaient maintenant de toute l'Europe. Je partais pour une journée, tout frais payé, à Amsterdam ou à Paris, à Barcelone ou à Prague. Grâce à mon réseau maintenant étendu, j'eus même l'occasion d'enregistrer pour un groupe japonais.

Pour ma deuxième année à Londres, il m'arrivait de ne plus aller en cours durant une semaine entière. Ou bien de m'y endormir. Ces nuits de folies me fatiguaient énormément. Pourtant elles m'étaient vitales. Lorsque la nuit tombait, je me sentais tout autre, beaucoup plus sûr de moi. Tout ce qu’il pouvait y avoir en moi de doutes disparaissait, laissant place à un moi différent. Le moi qui l'oubliait, elle. Le moi qui n'avait plus aucun contact avec ses amis de l'autre côté de la Manche. Le moi qui se torturait lui même. Le moi qui était victime des autres et de ses rêves. Et le moi qui ne s'en rendait même pas compte.

Bientôt, l'alcool ne nous suffit plus. Nos artères en étaient pleines, mais nos jeunes esprits redemandaient de cet état inconscient. Nous cherchions continuellement le moyen de partir aussi loin que les notes que nous jouions, de nous envoler avec elles. Aux alcools purs succédèrent les drogues. Tout, absolument tout, nous était accessible. Je planais seul, ma basse en main, pas tout à fait accro mais presque, à improviser des morceaux psychédéliques. Ma bulle dorée se refermait encore autour de moi, j'en chassai quiconque tentait de m'approcher. Je m'enfermais à double tour dans mon monde, déconnecté de celui dans lequel j'avais pu vivre avant. Les drogues me procuraient un semblant d'émotion que je ne trouvais plus ailleurs. C'était un enfer, un sentiment d'invincibilité totale. Un besoin pour se sentir au-dessus de tout.
Par nécessité, j'acceptais toutes les propositions d'enregistrement ou de concerts. J'avais énormément besoin d'argent. Je purgeais la musique de son sens afin de m'injecter du rêve. Jouer me valait de l'argent, donc je devais jouer. Chaque note résonnait dans ma tête comme le tintement des pièces qui me permettrait de m'évader.

Vinrent les premiers vrais dérapages. Je me retrouvai par terre dans ma chambre, après avoir renversé tous les meubles de la pièce, perdus dans mon propre corps. La sensation de tomber continuellement, sans rien pour me rattraper. Pas une main, pas une note, pas une mélodie. Juste le silence. Le silence absolu autour de moi. L'absence de sons dans ma tête. Si les auteurs ont la peur de la page blanche, ce vide, cet abysse sans sonorité où ma voix se perdait fut mon pire cauchemar. L'écho de mes appels résonnait désespérément contre les parois de ma bulle. J'étais seul. Horriblement seul.
Je n'avais plus mis pied à l'école et je finis par perdre contact également avec ceux que je pensais être mes amis.

Je tombais de haut. J'avais atterri au plus bas et je creusais encore. Je n'ose pas imaginer ce que je serais devenu si elle ne m'avait pas appelé. Une sonnerie. La même que celle qui m’avait signalé l’appel de mon frère. Mais cette voix que je connaissais si bien. Une mélodie, une musique douce et chantante à mes oreilles. Un tremblement dans sa voix. "Salut...Joyeux anniversaire" C'était un vingt-huit novembre. Il paraît que c'était mon anniversaire. J'avais vingt et un an. Isolé, l'esprit torturé, le corps déchiré. Mais elle était là.

Je pris ma basse et effleurai les cordes. Le son me traversa la peau, aiguisé comme une lame, puis me transperça le coeur. La douleur était insupportable. Pourtant je continuai. Je jouai ce morceau, celui-là même qui m'avait ouvert les portes de la gloire puis qui m'avait entraîné dans sa chute. Les notes s'envolaient plus haut que le plafond de la chambre brisaient la bulle que j'avais créée de toutes pièces. Et moi je restai là, incapable de les suivre.
Je me levai, chancelant.

Je savais que je reviendrais.

J’ai laissé mes sacs dans le couloir, ma basse avec. Puis j’ai surmonté les rangées de valises pour m’affaler sur mon siège. Voilà que le train s’ébranle, avec un bruit sifflant puis fracassant et régulier. Tacatac tacatac tacatac. Un rythme, une musique dont je me souviendrais toujours. Je quittai Londres.

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