dimanche 18 août 2013

La politique de comptoir

Ma première professeur de sciences politiques, lors de mon premier semestre de première année à SciencesPo (ça fait beaucoup de premières fois en effet), insistait beaucoup sur le fait qu'un politologue ne doit pas faire de la "politique de comptoir". Nous devions à tout prix passer outre les débats courants autour des thèmes de gauche/droite, de la corruption, de la théorie du complot, et des théories idéalistes pour changer le monde. 

La politique de comptoir consiste aussi en une règle tacite des bars, respectée par tous ceux qui désirent. On ne parle pas de politique en soirée, car c'est un ingrédient qui, mélangé à l'alcool, donne souvent un cocktail explosif ruinant l'ambiance. 

Pourtant, la politique de comptoir reste un des moyens les plus intéressants pour découvrir une société. Avec un verre de piscola à la main, les chiliens, découvrant que vous êtes française, seront ravis de lancer le débat. Cela commence généralement avec la fameuse question: "et toi, que penses-tu de la situation au Chili?". Honnêtement? J'en pense que je n'en connais pas assez pour m'en faire une opinion que je puisse argumenter. "Et en France alors?". En France? Excellente question. J'avoue que j'ai tendance à oublier de suivre les interminables combats rhétoriques de l'actualité française, ponctués des dernières nouvelles des combats juridico-financiers. Oui Papa, la politique nous concerne tous, mais cette politique "de télévision" (et pas de comptoir, cher Mme Arrigoni), elle me saoule! Revenons-en au Chili. La plupart des chiliens avec qui j'ai discuté politique, accoudée à un comptoir, m'ont surpris en revenant toujours à un événement central pour eux: la révolution française. Beaucoup sont relativement cultivés, connaissent les politiciens européens, les contours de l'histoire européenne. Qu'ils connaissent la révolution française est déjà, je trouve, un élément intéressant, sachant que peu de français pourraient parler des indépendances latino-américaines, ou des dictatures. Mais plus que cela, c'est la relation qu'ils ont à la révolution qui me surprend. En 2013, on me demande, avec grand sérieux, comment l'héritage de la révolution française m'affecte. Je n'avais jamais pensé la révolution de cette manière: comme part réelle de mon identité, comme cause d’événements actuels. Ici, le combat politique est perçu d'une façon beaucoup plus puissante: une révolution est un élément central, national, constitutif de l'identité de chaque individu. Le combat pour l'éducation gratuite, l'héritage de la fin de la dictature, sont autant de moments historiques qui sont perçus et chéris comme tels. Je ne pense pas, ou peut-être suis-je différente, que nous percevons en France, de nos jours, la nation, la patrie, la politique de cette façon.

Bien sûr, les débats politiques ici ne comprennent pas seulement des envolées historiques vers la révolution française: on se retrouve également dans une foule qui crie "Quién no salta es Pinochet! Quién no salta es Piñera! Quién no salta es Bachelet". 

Il y a une teinte de politique partout: avant-hier, des milliers de personnes (dont moi) se sont rassemblées pour un concert gigantesque en hommage aux 50 ans du groupe Los jaivas (provenant de leur premier nom "High bass", prononcé à la chilienne... Faites le lien!). Ce groupe de rock folklorique est très apprécié des chiliens, notamment car sa musique a su lier la modernité du pays à ses cultures traditionnelles. 

Un long message pour ne pas dire grand chose finalement, je n'ose même pas me relire. Mais peut-être y trouverez-vous un peu de sens, et un peu du Chili.

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