lundi 12 août 2013

Un petit texte, qui attend sa suite depuis bien trois ans je pense!

        Tu vas tomber! C'est vraiment pas malin...
        Mais arrête un peu.

            La nuit avait noyé les escaliers, et je ne voyais pas plus que si j'avais gardé les yeux fermés. Mon pied cherchait désespérément la marche suivante, mes jambes l'aidaient en battant l'espace en de grands moulinets. Quand enfin je pris appui sur la marche, se fut pour rencontrer une surface mouvante et molle. La surprise m'extorqua un petit cri, étouffé par la main de Pauline.
        Ça, c'était mon pied! Murmura t-elle, agacée.
        Désolée...
        Bouge plus, j'ouvre la porte.
        Quoi parce qu'en plus t'as pas la clé?
Le silence de mon amie fut sa réponse. Je m'en contentai. Ennuyée, j'observai le vide absolu qui nous entourait. Le noir total. Un frisson courut le long de mon échine. Juste au moment où j'allais me décider à redescendre les escaliers, même toute seule, et de retourner dans mon lit, le grincement de la porte se fit entendre.

            Dehors, la nuit était moins sombre. Le toit plat formait comme une sorte de terrasse, bordée par un petit muret. Quelques flaques d'eau parsemaient le sol, vestiges de l'orage. Le temps était lourd, chaud et humide à la fois, mais l'air semblait néanmoins plus frais que dans les couloirs de l'immeuble insalubre. Pauline tourbillonnait, virevoltait comme une danseuse sur scène, apparemment fière de son idée. Je fis quelques pas sur la petite plateforme encadrée par deux autres immeubles sur laquelle nous nous trouvions.
            Le ciel était dégagé, et la vue imprenable. Londres se dessinait sous mon regard,  champ tacheté de lumières étendu à perte de vue. Les clameurs des rues ne parvenaient qu'en murmures à mes oreilles.
        Alors comment tu trouves l'endroit? S'écria Pauline dans mon dos
        Magnifique... susurrais-je.
        Viens, dit-elle avec ce petit ton mystérieux dans sa voix.
Pauline fit le tour du toit jusqu'à un des coins qui se collait à un bâtiment plus grand, puis grimpa sur le muret. Elle s'y installa à cheval, le dos appuyé contre le mur voisin.
        Tu vas tomber! C'est vraiment pas malin...
        Mais arrête un peu.
Hésitante, je vins m'asseoir près d'elle, mes deux jambes par-dessus bord, les mains agrippées au muret. Pauline m'adressa un petit sourire d'entendement. Le décor de ce côté était encore plus beau. Sous nos pieds les rails du train se frayait un chemin parmi les courbes sinueuses de la ville. Un peu plus loin, la grande gare fraîchement construite en verre reflétait les rayons blancs de la Lune. Aussi loin que mes yeux regardaient, je ne pus apercevoir une présence humaine, et j'eus quelques secondes la délicieuse impression que nous étions seules, perdues dans l'océan urbain.
            Soudainement, à notre gauche, une fenêtre toute proche s'illumina. Aucun volet ne découpa l'image du corps nu qui plongea dans une baignoire moussante. Le corps d'une jeune femme blonde, très jolie, qui semblait perdue dans ses pensées, disparu sous l'eau. Nous l'observions fixement toutes les deux, nous qu'elle ne pouvait pas voir, tapies dans l'ombre.

            Je ne sais combien de temps s'écoula, en tout cas ce fut bref, avant que la fenêtre voisine ne brille à son tour, et que nos yeux éberlués découvrent un homme également plongé dans son bain. La coïncidence était des plus belles, et je me mis à rire, rire, comme une folle, perchée sur mon toit, notre toit, et Pauline m'imita, et je failli basculer, et la ville était à nos pieds. Et mon rire la berçait.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire